
Daphné
Le 6 mars 2023, ma chère fille Daphné faisait sa dernière crise d’épilepsie, celle qui l’a emportée, à l’âge de 18 ans, quelques jours avant le passage des épreuves de spécialités du baccalauréat (qui se déroulaient en mars cette année-là !). Elle est décédée d’une probable mort subite, pourtant, son épilepsie n’était ni sévère, ni pharmaco-résistante, ni très ancienne.
Le 6 mars 2023, ma chère fille Daphné faisait sa dernière crise d’épilepsie, celle qui l’a emportée, à l’âge de 18 ans, quelques jours avant le passage des épreuves de spécialités du baccalauréat. Elle est décédée d’une probable mort subite, pourtant, son épilepsie n’était ni sévère, ni pharmaco-résistante, ni ancienne (depuis ses 11 ans et demi).
Daphné était une jolie jeune fille, intelligente et cultivée. Sa scolarité avait été brillante jusqu’à la seconde, et elle était restée bonne élève. Elle lisait énormément et avait une excellente mémoire. Elle s’intéressait de près à l’actualité et avait des connaissances extraordinaires en histoire et en géographie. Elle était en revanche assez solitaire, et avait peu d’amis.
Elle voulait faire des études de droit, ou peut-être du journalisme, mais nous l’avions poussée à conserver les spécialités scientifiques (Maths et SVT) jusqu’au bac.
Daphné avait fait une première crise généralisée tonico-clonique (CGTC) à l’âge de 11 ans et demi, quelques jours avant son entrée au collège. Ce jour-là, je l’ai retrouvée inanimée sur le sol dans sa chambre ; j’ai eu très peur car je n’arrivais pas à voir si elle respirait ; je n’ai pas vu la phase convulsive et n’ai absolument pas pensé à l’épilepsie, ne connaissant personne de près ou de loin en souffrant. Les pompiers ont attribué son "malaise" à la chaleur. C’est le médecin de garde aux urgences pédiatriques à Neuilly qui a parlé d’une probable crise convulsive au vu des résultats sanguins. Il nous a rassuré en nous disant qu’il y avait 9 chances sur 10 qu’elle n’en fasse pas d’autre.
Malheureusement, Daphné a refait une deuxième crise en février 2017 à la fin des vacances scolaires. Un traitement a été mis en place ( Lamictal après un essai rapidement abandonné de Trileptal).
Le Lamictal a été efficace jusqu’en 2021 : elle n’a eu aucune crise entre mai 2017 et août 2020, soit pendant plus de 3 ans, et une en 2020, au point qu’en 2020, la neurologue avait envisagé l’arrêt du traitement (son EEG étant redevenu normal). Cette année-là, Daphné avait d’ailleurs arrêté de prendre son traitement plusieurs jours de suite, sans que cela ne provoque de crise. Mais elle a refait une crise en août 2020, après un unique oubli de prise en période caniculaire, ce qui a repoussé à plus tard le projet d’abandonner le traitement.
Puis, entre début juin 2021 à septembre 2021, elle a une succession de crises :14 au total, certaines groupées sur une période de quelques jours, dont 1 à chaque vaccination anti-covid en août et septembre 2021 (réaction que j’ai signalée au Centre Pharmacovigilance Hôpital Européen Georges Pompidou mais cela ne l’a pas dispensée de la 2ème vaccination).
Nous soupçonnons le Macrogol, qui lui a été prescrit par une urologue à partir de mai 2021 pour une petite infection urinaire, d’avoir affecté définitivement l’efficacité du Lamictal, malgré une dose doublée sur 3 mois...
C’est le Keppra qui, ajouté au Lamictal à partir de septembre 2021, a permis un retour à la normale [1]. Daphné a cependant demandé un tiers temps car elle trouvait que sa mémoire était un peu ralentie. Le Lamictal a ensuite été retiré, en 2 étapes (février à mai 2022, puis juillet à septembre 2022), la neurologue ayant préféré suspendre la diminution pendant la période du bac de français. Après un an sans crise (la dernière – exceptionnellement, une grosse absence sans chute – remontant à octobre 2011), Daphné a refait une crise GTC le 2 décembre 2022, un peu après minuit. C’était sa première crise nocturne, et la première aussi qui n’ a pas été suivie d’une autre. Nous n’avons pas pu voir le médecin le lendemain car les généralistes étaient en grève, mais tout s’est bien passé. Nous sommes allés comme prévu au théâtre le samedi suivant. Lors du dernier rendez-vous de suivi avec la neurologue fin janvier, celle-ci avait dit qu’elle augmenterait le Keppra si une autre crise survenait.
Le dimanche 5 mars, dernier jour de vacances scolaires, vers 7h30 du matin, son père (nous sommes séparés depuis quelques années) l’a entendue tomber de son lit : Daphné était en train de convulser. Elle a repris conscience dans les 10 mn qui ont suivi la fin des convulsions et s’est reposée toute la journée. Elle devait rester chez son père le lendemain, jour de rentrée scolaire, car elle était très fatiguée. Sans réponse du médecin (je lui avais envoyé un mél demandant s’il fallait augmenter la dose, mais c’était un dimanche), je n’avais pas augmenté de moi-même le traitement ni ne lui avais donné de l’Urbanyl, car je me suis dit que ce n’était pas à un jour près, une crise près (d’autant plus qu’en décembre dernier elle n’en avait fait qu’une). Je le regrette terriblement aujourd’hui. Car, le lendemain matin, à la même heure, elle a fait une autre crise dans les mêmes circonstances. Mais cette fois, après l’avoir mise en position latérale de sécurité, son père a vaqué à ses occupations en attendant qu’elle revienne à la conscience. Pour lui, c’était un bis repetita de la veille, d’une maladie sans risque autre que la mauvaise chute ou la noyade. Quand il s’est aperçu qu’elle ne respirait plus, il lui a fait un massage cardiaque ; mais le cœur n’est reparti qu’avec le SAMU qui a mis 30 mn à arriver ( les pompiers sont arrivés en 3 mn mais n’ont pas réussi à la réanimer) ; Elle a été hospitalisée à Bichat et respirait encore d’elle-même en arrivant à l’hôpital, où elle a été placée en coma artificiel et sous respirateur. Malheureusement, elle ne s’est pas réveillée du coma artificiel ; son décès a été prononcé le 8 mars à 19h. Daphné n’a cependant cessé de respirer que le lendemain lorsque le respirateur a été arrêté pour permettre le prélèvement de ses organes, que nous avions accepté : un poumon, 2 reins et son foie qui ont permis à 4 receveurs de vivre la vie qu’elle n’aura pas pu avoir. [2]]]
Les médecins réanimateurs avaient évoqué comme cause de décès la mort subite en épilepsie ou une pneumonie d’aspiration, en disant qu’on n’aurait jamais de certitude. Nous n’avons pas pensé à demander une autopsie, mais un médecin m’a dit que cela n’aurait sans doute rien appris de plus que les examens qu’elle a eus à l’hôpital. Mais le fait que son poumon gauche a été prélevé implique qu’il était encore en état de fonctionnement contrairement au droit qui a été atteint par l’inhalation. [3]
En 2017, le diagnostic d’épilepsie m’avait consternée car je pensais que l’épilepsie était une maladie grave et potentiellement mortelle ( j’ignorais ses différentes formes). Mais le médecin nous a rassurés en nous disant que cette maladie était relativement fréquente et que l’on pouvait vivre avec à peu près normalement, une fois le bon traitement trouvé. Effectivement, je me suis aperçue que de nombreuses personnes de notre entourage, proche ou plus lointain connaissait, qui un grand-oncle, une tante, un cousin, un ami, traité pour cette maladie, qui menait une vie quasi normale. De plus, l’épilepsie étant apparue à l’entrée de l’adolescence, il y avait de fortes chances (1 sur 2…) qu’elle disparaisse avec la fin de l’adolescence.
Si l’existence de décès dus à l’épilepsie a, de mémoire, été évoquée, nous n’avions pas été avertis du risque de mort subite et inattendue explicitement :au contraire, j’avais retenu que notre fille n’avait vraiment pas le profil des personnes concernées par les décès directement dus à l’épilepsie, et que nous devions surtout craindre les mauvaises chutes, noyades, et accidents de circulation. Je savais aussi qu’il y avait un risque d’inhalation, que la mise en PLS était un moyen de l’éviter, et me disais que cela devait être plutôt rare ( en réalité, je crois qu’il n’y a pas vraiment de statistiques précises). Je pensais que les autres décès liés à l’épilepsie étaient dus surtout à des atteintes du cerveau chez des personnes dont l’épilepsie datait du plus jeune âge, et qui faisaient fréquemment des crises. En 2021, un médecin m’avait rassurée en me disant que les crises de Daphné, nombreuses cette année-là, n’abîmaient pas son cerveau [4]. Et quand le traitement au Lamictal a commencé, notre attention a surtout été attirée sur les risques d’allergie au médicament.
Maintenant que Daphné est décédée par ignorance des risques encourus, je regrette terriblement de ne pas être restée sur ma première impression, et de ne pas avoir chercher à me renseigner davantage, même si je me dis qu’on m’aurait dit de ne pas croire tout ce que j’aurais pu lire sur le sujet et que Daphné était bien suivie...
Son décès est dû pour moi à la banalisation de cette maladie et à l’installation d’une certaine routine ayant entraîné un manque de vigilance, le tout découlant de notre ignorance du risque de mort subite et de la conduite à tenir pour l’éviter, alors que ce risque était loin d’être négligeable.
En effet, depuis son décès, je me suis énormément documentée, à commencer par une conférence de septembre 2022 de l’épileptologue canadienne Elisabeth Donner [5].
Dans ce wébinaire, le Dr Donner dément l’idée que les enfants seraient moins affectés que les adultes par la MSIE ( c’est son premier point) : le taux de 1 décès sur 4 500 ou 5 000 patients (soit 0,2 et 0,22%o ) est repris par de nombreux médecins ainsi que par la HAS dans ses recommandations [6], car c’est celui que donne l’American Academy of Neurology [7] . Elle explique comment elle avait donné ce taux de 0,2%o, à la requête de la revue « Journal of Neurology » quand, en 2001, elle y a publié une étude de cas non exhaustive portant sur les décès par sudep d’enfants en Ontario, tout en insistant sur la non fiabilité de ce taux compte tenu du caractère non exhaustif de l’étude. Voyant, des années plus tard, que ce taux de 0,2%o (1 sur 5 000) se trouvait toujours dans le guide pratique de l’Académie Américaine de Neurologie de 2016, elle a alors entrepris une étude cette fois systématique . Cette nouvelle étude a conclu à un taux d’incidence identique à celui des adultes. Au même moment, une étude suédoise basée sur l’ensemble de la population suédoise a abouti à la même conclusion, un taux identique pour les enfants et les adultes [8] ; l’étude a porté sur les patients enregistrés dans la base nationale comme ayant été pris en charge comme épileptiques ( hospitalisation y compris ambulatoire) entre 1998 et 2005 (78 424 personnes) et qui vivaient toujours le 30 juin 2009 (60 952 personnes).
Elle souligne que le taux est un taux moyen sur l’ensemble des personnes souffrant d’épilepsie ; il est augmenté quand il s’agit d’ épilepsie généralisée tonico-cloniques, et il augmente encore avec la fréquence des crises, avec un curseur situé à plus de 3 crises par an, qui multiplie par 15 le taux d’incidence initial.
Daphné, dans sa courte vie, a été affectée par l’épilepsie pendant 6 ans et demi, durant laquelle elle a eu au total environ 25 crises GTC : une en 2016, environ 5 en 2017 avant la mise en place du traitement au Lamictal (après un essai de trileptal) , une en 2020, environ 14 en 2021, une en 2022, et deux en mars 2023. La crise qui l’a emportée était la 3ème crise intervenue au cours des 15 derniers mois de sa vie ( bien qu’en réalité, elles soient toutes survenues dans les 3 derniers mois, à 4 jours près) ; En moyenne, entre ses 11 ans et demi et ses 18 ans et 2 mois, elle a fait 25/6.5 = 3,6 crises par an. Ce qui correspond donc à la limite à partir de laquelle le risque de décès par mort subite est quintuplé...
Les crises se produisaient la journée (sauf parfois pendant une hospitalisation), elles étaient rarement uniques mais suivies d’autres dans les 12h (si elle ne recevait pas un médicament adhoc (Urbanyl, …). Seules les 3 dernières sont survenues la nuit ou au petit matin, et elle a été laissée quasiment seule dans les minutes qui ont suivi la fin des convulsions.
Tout cela la faisait bien rentrer dans les profils à risque tels que définis par le Dr. Donner, qui mentionne le fait d’être seul et probablement aussi le caractère nocturne de la crise comme 2 facteurs de risque supplémentaires : 80 à 90 % des décès survenant sans témoins. En revanche, la prise de plusieurs anti-épileptiques serait protecteur ( sauf quand cela résulte d’une pharmaco-résistance), ce qui n’était plus le cas de Daphné depuis 9 mois.
Concernant l’ancienneté de l’épilepsie, les sites dédiés à la MSIE (français, canadiens, anglais, etc) fourmillent de témoignages de décès de personnes dont l’épilepsie s’est déclarée tardivement (à 14, 18, 21, 23 ans) et qui sont décédées dans un délai de quelques mois à quelques années après le diagnostic. Parmi les parents endeuillés que j’ai contactés via le RSME, un nombre non négligeable concernait des personnes dont l’épilepsie n’était ni pharmaco-résistante ni ancienne, comme Daphné.
Le risque étant sous-estimé, les consignes ne sont pas adaptées : le décès de ma fille est aussi dû à l’insuffisance des recommandations sur la conduite à tenir (écrites ou orales) en cas de crise convulsive.
En effet, les consignes et recommandations de la conduite à tenir ne prenant pas en compte l’éventualité d’une mort subite, de ce fait, elles ne prescrivent pas le comportement qui permet de l’éviter. Elles considèrent que la crise est finie quand les convulsions ont cessé, alors que le risque d’arrêt cardiaque est maximum dans les 10 minutes qui suivent la fin des convulsions ; il pourrait être écarté par une stimulation externe : Il ne s’agit pas de simplement rester passivement près de la personne inconsciente pour la rassurer quand elle reprend conscience, mais de provoquer son réveil en étant actif, en la bougeant, la tapotant et en l’appelant pendant la phase d’inconscience post convulsions.
Comme, en parallèle, la maladie est banalisée, une fois « habitués » aux crises, les proches pensent qu’ils savent gérer et que les crises se répètent à l’identique, avec toujours la même issue.
Il faut donc vraiment lutter contre la banalisation de la maladie, qui entraine un manque de vigilance, relayer l’idée que la crise n’est vraiment finie qu’avec le retour complet à la conscience, et pas avec la fin des convulsions.
Les consignes devraient d’ailleurs recommander de mettre la personne en position latérale de sécurité (PLS) dès que possible, et non pas qu’une fois la crise (c’est à dire les convulsions) passée : en effet, pour prévenir l’inhalation, il est faudrait placer la personne en PLS dès que possible (et de basculer sa tête et son dos sur le côté) pendant les convulsions. Et il faut aussi clairement attirer l’attention sur le fait que, quand quelqu’un s’étouffe ou ne respire plus pendant une crise d’épilepsie (y compris post-convulsions), il n’y a aucun signe visible ; qu’il faut activement rechercher les signes d’une respiration dans les minutes qui suivent la fin des convulsions, et surveiller qu’elle ne cesse pas dans le quart d’heure d’après.
Pour toutes ses explications, je pense qu’il faudrait prévoir une séance de gestes de premier secours à chacun des parents, dès le diagnostic de l’épilepsie, et la renouveler par la suite.
Enfin, le Dr Donner identifie les moments de vie charnières correspondant à des périodes de risque accru. Il s’agit essentiellement des périodes où les patients changent de statut familial : quittent le foyer parental, se marient, se séparent ou ont des enfants, après la perte d’un être cher, etc. On pourrait rajouter le surmenage engendré par les études ou le travail, et pour la France, l’année du bac et de l’orientation. Même des événements heureux peuvent s’accompagner de risque accru (mariage, naissance) peut-être parce qu’ils représentent une forme de saut dans l’inconnu...
Et effectivement, dans les nombreux témoignages de MSIE, il ressort que les décès se sont le plus souvent produits quand les personnes étaient à une période un peu charnière de leur vie. C’est particulièrement vrai pour ma fille : Daphné est décédée à la période la plus stressante de sa vie. Le bac était son horizon depuis plusieurs années, et les 2 épreuves qui devaient se dérouler 15 jours après son décès allaient pour elle décider de son avenir. Elle se demandait si elle devait signaler sa maladie dans son dossier ParcourSup, notamment pour indiquer qu’elle ne pouvait pas avoir d’activités extra scolaires en dehors de la pratique de l’athlétisme. Aux journées « Portes Ouvertes » de l’Université Paris-Assas, un représentant du département de droit m’avait clairement dit qu’entre un dossier de quelqu’un malade, et quelqu’un de bien portant, à niveau égal, il prendrait celui qui n’était pas malade. Nous savions bien qu’il existait une procédure spécifique en cas d’acceptation dans une université éloignée pour demander au rectorat une admission dans une université proche pour raisons médicales, mais le chemin était long et sans doute angoissant pour Daphné, qui ne laissait pourtant rien paraître.
Il reste que si nous nous étions rendu compte de son anxiété, si nous avions su qu’elle était particulièrement exposée au risque de mort subite, elle n’aurait peut-être pas eu cette crise fatale, car nous aurions tout fait pour réduire son anxiété. J’aurais insisté pour qu’elle revoit la psychologue qu’elle a vue au moment des crises de 2021, et qui avait cessé de la recevoir jugeant qu’elle allait mieux.
A ce propos, quand je parle du rôle probable du facteur stress dans le décès de ma fille, on m’a souvent fait la réflexion qu’on ne pouvait pas mettre nos enfants dans un cocon, et leur éviter éternellement le stress, que fatalement un jour ou l’autre ma fille aurait été stressée et donc serait probablement décédée à un autre moment. Cela me choque car cela veut dire pour moi qu’il faut accepter le décès des êtres les plus fragiles d’entre nous, comme une espèce de fatalité.
Et c’est vrai que j’ai souvent le sentiment en lisant les recherches et en discutant avec certains médecins que la plupart pensent que son décès était inéluctable, parce qu’elle devait y être prédisposée d’une manière ou d’une autre. Je n’ai bien sûr pas les compétences pour juger de la recherche sur les MSIE mais je remarque qu’ elle a l’air de se concentrer sur les marqueurs physiologiques d’ une prédisposition à la mort subite en visant essentiellement les épilepsies pharmaco-résistantes et / ou celles dites sévères, comme les essais thérapeutiques ; or la notion de sévérité de l’épilepsie n’est pas très claire : ça va de plus de 3 crises par an à plusieurs par semaine, alors qu’il est avéré qu’il n’y a pas vraiment de critères spécifiques au regard du risque de mort subite, à part l’existence de CGTC : les critères d’âge, de sexe, d’ancienneté de l’épilepsie, de fréquence des crises laissent la place à de nombreuses exceptions. Si l’on combine les critères supposés prédisposer à la mort subite, le profil type est un homme de 20 à 40 ans, dont l’épilepsie a débuté à un jeune âge et est pharmaco-résistante, parfois avec un retard mental, or ce profil ne correspond qu’à un nombre très limité des MSIE [9]
Son décès est aussi du à l’absence de prise en compte de l’anxiété dans la survenue des crises et de la mort subite. Car le stress lié au bac et à son orientation est survenu dans un contexte général d’anxiété comme en témoigne son journal que j’ai découvert après son décès et qui montre son intérêt excessif pour l’actualité nationale et internationale ( cf des extraits dans cette même rubrique). La santé mentale des adolescents est depuis devenue une préoccupation nationale, ce n’était pas encore le cas en 2023.
Enfin, j’ai l’impression aussi qu’il y a peu de recherche sur la conception de dispositifs médicaux visant à empêcher les Sudep (en dehors des dispositifs de détection des crises nocturnes mis au point par des sociétés privées) comme contre la mort subite des nourrissons, et sur la prise en compte du facteur psychologique. Des études ont cependant montré qu’une surveillance nocturne réduit le nombre de MSIE et que certains médicaments réduisent les difficultés respiratoires [10]
Le frein à une meilleure information des patients et de leurs proches, et à l’élaboration de consignes plus adaptées, semble être la crainte d’effrayer les patients et leurs proches. Un autre pourrait être de rendre plus difficile la sociabilisation des personnes touchées par la maladie. Cette crainte est fondée : à titre d’exemple Daphné devait faire un voyage scolaire en Allemagne, j’avais transmis les consignes habituelles à son professeur-accompagnateur, mais il est probable que si celles-ci avaient fait allusion à un risque subit décès, elle aurait été exclue du voyage – il était déjà arrivé qu’une colonie de vacances multi-sport la refuse parce que le certificat médical indiquait la nécessité d’une surveillance pendant les baignades. Et il est vrai que même dans des institutions spécialisées habilitées à recevoir des enfants malades, des noyades se produisent par manque de surveillance. C’est un vrai problème et un vrai risque, à un moment où l’on essaie à juste titre de favoriser l’insertion sociale des personnes souffrant d’épilepsie et de promouvoir une meilleure connaissance et acceptation de cette maladie.
Pourtant, cela ne peut se faire en passant sous silence le risque de décès par mort subite auquel sont exposées les personnes faisant des crises GTC.