Jennifer

, par Maxime Choucroun

Jennifer est décédée à 21 ans, après 3 ans de maladie.

Arrivée de Jennifer
Jennifer avait 21 ans, c’était et ce sera toujours mon portrait craché. La vie me l’a arrachée le 20 octobre 2015, elle venait de fêter ses 21 ans le 2 octobre. Elle n’a pas eu le temps de profiter de ses cadeaux d’anniversaire. J’ai élevé Jennifer seule et avec fierté. Je suis tombée enceinte malgré la pilule, mais de savoir que je n’avais rien de grave, je l’ai gardé. Je vivais à Ajaccio et l’environnement sur tous les tons m’était appréciable ainsi que pour elle. La grossesse s’est passée correctement, Jennifer était une petite fille très agréable, un peu capricieuse en grandissant mais rien ne décelait chez elle des crises épileptiques. Nous avons quitté la Corse pour rentrer à Toulouse, cela a été très douloureux pour elle, elle avait ses amis, la plage où elle adorait nager. La réinsertion sur le continent fut très difficile pour nous deux, relations conflictuelles familiales et difficultés au niveau du travail pour moi. Malgré tout, nous avons réussi ensemble à surmonter ces épreuves et avoir une vie non aisée mais confortable.
Jennifer avait un tempérament hyperactif. Nous devions faire du sport tous les week-ends (piscine, rollers, vélo) surtout les jeux extérieurs. Elle avait peur du noir et peur aussi de s’endormir, mais plein d’enfants sont ainsi.

La scolarité et épilepsie
J’ai rencontré mon mari actuel. Sa situation de divorce a été très douloureuse pour nous deux et j’ai eu deux autres enfants, Chiara, aujourd’hui, 13 ans et Raphaël, 7 ans. Jennifer a eu une vie normale, quelques difficultés pour le lycée et nous avons choisi de l’inscrire dans un internat. Ce ne fut pas très facile au début puis Jennifer a rencontré des amis, l’amour aussi. Elle a redoublé sa seconde et a eu son bac. Juste avant le bac, Jennifer a fait à l’internat dans l’après-midi, juste après le déjeuner, une forte crise épileptique. Elle a été prise en charge aux urgences et nous avons rencontré un neurologue suite à sa crise. Les urgences pensaient que c’était peut-être dû au stress du bac.
On a constaté des crises épileptiques, mais uniquement nocturnes sans gravité. Le neurologue lui a prescrit de la Depakine, puis du Keppra. La vie a continué son cours, Jennifer avait eu son permis de conduire suite à la conduite accompagnée, faisait une prépa à l’IFSI Croix-Rouge de Toulouse pour essayer de passer ses concours car elle voulait devenir infirmière et plus particulièrement en réanimation.
Elle a réussi son concours à Beaumont sur Oise, très difficile départ pour elle et pour moi en particulier mais elle s’était bien intégrée dans cette école et avait un cercle d’amies où elle se sentait moins seule puis venait régulièrement à Toulouse.

Evolution de la maladie
Hélas, ses crises devenaient de plus en plus régulières et elle avait des sortes de mini-comas après la crise. Elle en a fait deux très fortes en Juillet et Août 2015 où son père a eu très peur (elle était en Espagne), il m’a raconté qu’au moment de la crise, elle disait des propos incohérents. Elle n’a pas eu le temps de terminer sa deuxième année d’école infirmière. Etant en stage près de Toulouse, elle est décédée chez un ami d’une SUDEP.

Un monde qui s’écroule et pourquoi ?
Ma vie s’est écroulée et pour tout son environnement amical et familial. Toutes les questions et la colère que j’avais pour ce garçon auquel Jennifer avait été retrouvée inanimée qui ne s’était pas rendu compte de sa mort à côté d’elle. J’ai pensé à la drogue ou à l’alcool, mais les résultats toxicologiques s’avéraient négatifs. J’ai dû faire une plainte pour non assistante à personne en danger pour accéder à l’autopsie.
Puis j’ai consulté sur le net et j’ai eu l’aide de Bernadette Larquier qui m’a expliqué la mort subite dû à une crise d’épilepsie. J’ignorais que l’on pouvait mourir ainsi et que ce risque existait. Ma vie est devenue si triste et surtout dans l’incompréhension totale.
Suite à la rencontre de familles endeuillées, j’ai compris beaucoup de choses et je me suis sentie moins seule en écoutant les autres familles.
Ma seule raison de vivre avec bien entendu mes enfants, c’est de prévenir la mort subite et d’en parler car je pense que Jennifer ne faisait pas attention à la prise de ses médicaments, au sommeil, comme tous les jeunes de son âge.