La mortalité en épilepsie : le détail

, par Muriel Lesmond

Une surmortalité globale

Les personnes atteintes d’épilepsie sont davantage susceptibles de décéder de manière prématurée que la population générale : le ratio de mortalité standard (RMS) est de 2,3 ce qui signifie qu’ils ont 2,3 fois plus de chances de décéder ( [1]) . D’autres chercheurs rapportent un taux de 3 fois supérieur.

Selon le Dr Donner, concernant la mortalité globale, il y a une différence entre les enfants et les adultes tant en ce qui concerne le RMS que la cause des décès.

En effet, l’épilepsie peut être le symptôme d’une maladie plus grave, ou un symptôme parmi d’autres d’une pathologie complexe, et c’est cette maladie causale qui va entrainer le décès. Cela explique le RMS des enfants 9 fois supérieur à celui de la population infantile générale. Il y a l’effet combiné d’une mortalité élevée parmi les enfants qui ont des déficiences neurologiques majeures (ce qui leur laisse une faible espérance de vie) et, en parallèle, un taux de mortalité des enfants très faible en population générale.

D’après le Dr Donner, quand les personnes atteintes d’épilepsie meurent prématurément, c’est en général pour une raison liée à l’épilepsie plutôt que pour une autre raison ( RMS de 3,8 vs 1,7).

Néanmoins, cela n’est pas vrai pour les enfants atteints d’épilepsie : ils décèdent en la majorité en raison d’une autre cause que l’épilepsie : la cause la plus courante de ces décès est la pneumonie.
Un nombre important d’enfants souffrant d’épilepsie ont en effet des pathologies complexes et des dysfonctionnements neurologiques, y compris des maladies complexes de la poitrine, dont ils décèdent.

Mais si l’on considère les enfants atteints d’un syndrome épileptique comme la maladie de Dravet, les causes de décès les plus fréquentes sont en lien avec l’épilepsie : la mort subite/sudep, le mal épileptique et la noyade ou un traumatisme lors d’une crise.

On peut donc distinguer, d’après le Dr Sophie Dupont :
 les décès dus à une maladie neurologique sous-jacente, comme une tumeur au cerveau ou des AVC, qui entraîne aussi de l’épilepsie ; les décès peuvent être imputables à la tumeur au cerveau ou à l’AVC, ou à d’autres causes iatrogéniques ou génétiques.
 les décès liées à l’épilepsie elle-même : l’état de mal, les noyades, les accidents de la route, les chutes, brûlures, d’autres accidents survenus pendant la crise , et la mort subite et inattendue en épilepsie (SUDEP).
 Et les décès liés à des comorbidités comme une dépression mortelle, menant au suicide, ou aux effets iatrogéniques des médicaments utilisés contre l’épilepsie ;

Les décès par mort subite
Parmi les décès liés à l’épilepsie elle-même, les cas de MSIE représentent de 40 à 80% des décès selon les études ( ref : E.Donner, Neurology, 2017 qui compile les résultats de 4 études : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28242084/ )

Dans ces études, les décès par état de mal ("status epilepticus" [2] ne représentent que 8 à 28% des décès liés à l’épilepsie, ceux par inhalation de 8 à 20% d’entre eux, et la noyade de 0 à 20%.

Selon le Dr Dupont ( [3]) : "les MSI seraient responsables de 5,2% des décès de patients épileptiques et de 36% de ces décès dans la tranche 0-15 ans avec un risque cumulatif de décès par sudep allant jusqu’à 12% sur 40 ans en cas de facteur de risque avéré, sachant que par ailleurs les décès attribués au SUDEP sont très certainement très sous-estimés ( cf ci-dessous).

Taux d’ incidence de la mort subite en épilepsie
Enfin, il est admis que le taux d’incidence de la mort subite en épilepsie est de 1‰ à 1,2 ‰ patients années. Ce taux a été publié en 2019 par l’Académie Américaine de Neurologie ; il est identique pour les enfants et les adultes. [4]. Il se concentre principalement sur les personnes sujettes à des crises généralisées tonico-cloniques, même s’il n’y a pas toujours de signe d’une crise convulsive ait précédé le décès.
Le taux d’incidence peut être affiné selon la fréquence de l’épilepsie : pour des personnes qui font plus de 3 crises généralisées tonico-cloniques (CGTC) par an, le taux de décès par mort subite est 15 fois supérieur au taux moyen de 1‰, soit un taux de 1,5 % [5].

Le taux d’incidence est un taux annuel : le risque se cumule au fil du temps : Une étude de 2010, qui porte sur des patients épileptiques depuis l’enfance suivis sur une période de 40 ans, donne un pourcentage de 7 à 13% de décès par mort subite avec un âge médian de décès de 26 ans [6],(17).

Réduire le nombre de décès grâce à une information appropriée
Enfin, l’Académie Américaine y soulignait en 2019 que la MSE concerne tous les types d’épilepsies, même les épilepsies bien-contrôlées : en cas d’oubli de médicaments, de manque de sommeil et même en l’absence de crise depuis un an. [7]
L’épilepsie des personnes sujettes à des absences pouvant évoluer vers des crises généralisées tonico-cloniques, l’information sur la MSIE doit concerner toutes les formes d’épilepsie.

Notes

[1Elizabeth Donner,-conférence du 17 sept 2021 « Sudep : lessons Learned » :https://www.youtube.com/watch?v=eaYQziFWAIQ&ab_channel=CETNCanadianEpilepsyTeachingNetwork

[2Sans nécessairement conduire à un décès, l’état de mal peut laisser des séquelles neurologiques définitives telles que des troubles de l’attention, des troubles cognitifs, une détérioration intellectuelle, ou l’aggravation d’une épilepsie )

[3"Epilepsies de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte
Monographies de neurologie", Ed Elsevier Masson, avril 2020, p 3

[4Ce taux d’incidence est également comparable à celui trouvé par une étude suédoise (1,1 à 1,2 ‰ ) : A nation wide population-based case-control study, O. Sveinsonn, T. Andersson, etc, in Neurology 2020, Jan 2894 (4) ; l’étude a porté sur les patients enregistrés dans la base nationale comme ayant été pris en charge pour épilepsie ( hospitalisation y compris ambulatoire) entre 1998 et 2005 (78424 personnes) et qui vivaient toujours le 30 juin 2009 (60952 personnes)

[5Elizabeth Donner,-conférence du 17 sept 2021 « Sudep : lessons Learned » :https://www.youtube.com/watch?v=eaYQziFWAIQ&ab_channel=CETNCanadianEpilepsyTeachingNetwork

[6« Long-Term Mortality in Childhood-Onset Epilepsy » New England Journal of Medicine (NEJM), 23 Dec 2010, vol 363, p2522-2529 . Un taux de 12 % sur 40 ans est évoqué dans une étude comparable cité dans « EpM. Sillanpää and S. Shinnarilepsies de l’enfant, de l’adolescent, de l’adulte » Sophie Dupont, Ed Elsevier Masson, p 3. Elle relève que les décès par MSIE sont « très certainement sous-estimés »

[7« Even people with well-controlled epilepsy may be at risk for sudden death » , American Academy of Neurology, June 19, 2019 ; https://medicalxpress.com/news/2019-06-people-well-controlled-epilepsy-sudden-death.html