Interview du Dr Sharma sur la mort subite - Notion de coeur épileptique
Le Dr Suvasin Sharma, pédiatre épileptologue indienne exerçant à New Delhi, en Inde, fait partie d’un groupe de travail à l’ILAE sur la sudep. Elle aborde dans ce podcast des thèmes très divers comme la définition de la MSIE et les "types" de Sudep identifiés ( certain, probable, possible, et les quasi-sudep), la difficulté pour les soignants d’informer leurs patients par peur de créer de l’anxiété, les conséquences possibles de l’épilepsie chronique (notion de "coeur épileptique"), et l’effet supposé de certains antiépileptiques démenti par des études récentes
An update on Sudep and sudep Counseling : Dr Suvasin Sharma Epigraph Vol 25,Issue 2 Spring 2023, reported Dr Emma Carter, Edited by Nancy Volkers ( podcast) https://www.ilae.org/journals/epigraph/epigraph-vol-25-issue-2-spring-2023/an-update-on-sudep-and-sudep-counseling-dr-suvasini-sharma?amp;&=amp%3B
Une mise à jour sur la Sudep et le conseil en sudep : Dr Suvasini Sharma
Podcast :Une mise à jour sur les MSIE et l’information sur les MSIE : DR Suvasini Sharma
Epigrap vol25, issue 2, Spring 2023
Journaliste : Dr Emma Carter, Editeur / Nancy Volkers
Traduction du podcast :
[00:00:00] Emma Carter : Emma Carter : Merci, Dr Sharma de votre présence aujourd’hui parmi nous pour parler de sudep. Je vais vous laisser la main pour que vous nous parliez un peu de vous.
[00:00:09] Suvasini Sharma : Merci, Emma, pour cette invitation. Je suis très heureuse de parler de la SUDEP sur cette plateforme. Je m’appelle Suvasini. Je suis neurologue pédiatrique et épileptologue. Je travaille à New Delhi, en Inde, dans un hôpital universitaire pour enfants financé par l’État. Je m’occupe d’enfants épileptiques depuis 15 ans.
Mes recherches portent sur le régime cétogène, l’épilepsie pharmacorésistante, les spasmes infantiles et la SUDEP. Je me suis intéressée à la SUDEP au cours des cinq ou six dernières années, lorsque j’ai réalisé qu’il s’agissait d’un sujet dont personne ne se souciait vraiment en Inde. J’ai commencé par une expérience familiale qui m’a amené à m’intéresser à ce sujet. La famille voulait des réponses, mais malheureusement nous n’avons pas d’autopsies, ni de systèmes de ce type en Inde, et il n’y a guère de sensibilisation, même parmi les neurologues. C’est ce qui m’a poussé à m’intéresser à ce sujet.
Nous avons réalisé une étude sur l’information des parents d’enfants épileptiques concernant la SUDEP et son impact sur eux. Nous avons constaté qu’au lieu d’augmenter l’anxiété, ces conseils amélioraient la confiance des parents dans la gestion de leurs enfants et leur comportement. J’en parlerai plus tard en détail. C’est ce qui m’a intéressée. Je me suis ensuite impliqué dans le groupe de travail de l’ILAE. Nous travaillons depuis près de deux ans maintenant. Nous participons à un certain nombre d’activités de défense et d’éducation en matière de SUDEP.
[Emma Carter : Formidable. Merci de nous avoir parlé un peu de vous et de votre participation au groupe de travail sur la SUDEP. Je vais vous poser quelques questions à ce sujet dans une seconde. J’allais commencer par vous demander si vous pouviez définir la mort subite et inattendue dans l’épilepsie, ce que nous appelons SUDEP, pour nos auditeurs.
[00:02:02] Suvasini Sharma : Oui. Je veux dire que la définition courte de la MSIE est qu’elle est définie comme un décès soudain et inattendu - nous ne l’appelons plus inexpliqué, nous savons qu’il y a des explications - soudain et inattendu, non traumatique et sans noyade d’une personne épileptique sans cause toxicologique ou anatomique de décès détectée lors de l’examen post-mortem.
Il s’agit d’une définition large qui comporte certaines sous-catégories. En effet, tout le monde ne bénéficie pas d’un examen post-mortem, notamment dans les pays à faibles ressources. La plupart des autopsies que nous pratiquons sont des autopsies médico-légales lorsque l’on soupçonne un acte criminel dans le cas d’une mort naturelle. Dans la plupart des cas, l’autopsie n’est pratiquement jamais pratiquée.
La première catégorie est donc la SUDEP certaine. Une SUDEP certaine est une mort subite et inattendue, avec ou sans témoin, non traumatique, sans noyade, survenant dans des circonstances bénignes. Il s’agit de circonstances non suspectes chez une personne épileptique, avec ou sans preuve de crise. Il peut donc y avoir eu ou non une crise d’épilepsie. A l’exclusion d’un état de mal épileptique documenté, car les personnes épileptiques peuvent mourir à cause d’un état de mal épileptique, et cela n’est pas considéré comme une SUDEP. Et dans laquelle l’examen post-mortem ne révèle pas de cause de décès. Il s’agit alors d’une SUDEP certaine.
Il existe aussi une catégorie de SUDEP probable. C’est la même définition, sauf qu’il n’y a pas de preuve à l’autopsie. Mais lorsqu’on obtient une autopsie verbale et une description complète, et que tout ressemble à une SUDEP, alors on peut dire qu’il s’agit d’une SUDEP probable.
Ensuite, il y a des patients qui peuvent avoir, éventuellement lors de l’autopsie, quelque chose d’autre qui peut être trouvé, peut-être une maladie coronarienne, peut-être une maladie pulmonaire obstructive. Il peut donc y avoir diverses pathologies qui ont pu contribuer, non pas à la cause, mais qui ont pu être associées. On dit de ces patients qu’ils souffrent d’une SUDEP plus. On parle de SUDEP plus lorsqu’elle est confirmée par l’autopsie et de SUDEP plus probable lorsqu’il y a des antécédents d’autres de comorbidités qui ont pu contribuer à la SUDEP.
Il existe également une catégorie de SUDEP possible, quand il existe une autre cause ayant pu provoquer le décès . Il existe également une catégorie de quasi- SUDEP ou de quasi- SUDEP plus, lorsque le patient a été réanimé. L’événement s’est produit, mais le patient a survécu grâce à la réanimation, il s’agit d’une quasi- SUDEP .
Enfin, il n’y a pas de SUDEP lorsqu’il y a une autre cause claire de décès, il ne s’agit pas d’une SUDEP.
Ce sont donc ces catégories qui sont utilisées par les personnes chargées d’évaluer les décès chez les personnes épileptiques et de les classer. Mais il est utile de savoir, surtout à des fins de recherche, que l’on exclut l’état de mal épileptique documenté, car les personnes épileptiques peuvent mourir à cause de l’état de mal épileptique, mais cela n’est pas considéré comme une SUDEP. Et dans lequel l’examen post-mortem ne révèle pas de cause de décès. Il s’agit alors d’une SUDEP certaine.
[00:04:46] Emma Carter : Parfait. Merci d’avoir partagé la définition, toutes ces définitions.
[00:04:50] Suvasini Sharma : Oui, je vais aussi parler de l’incidence. Oui, ce n’est pas très courant. C’est ce qu’il faut comprendre, c’est que c’est rare. L’incidence chez les adultes et les enfants est de 1,2 pour mille. Ainsi, chaque année, une personne sur mille atteintes d’épilepsie meurt.
Ce risque est bien moindre que le risque de mourir, par exemple, d’un accident de la route ou d’une maladie coronarienne. Ou d’une maladie coronarienne. Il est donc rare, mais il existe, et nous devons donc le connaître.
[00 :05 :18] Emma Carter : Absolument. Il est très important de parler de l’incidence. Je voulais juste parler un peu de la pathogenèse de la SUDEP. De nombreuses théories sont proposées, telles que l’étiologie cardiovasculaire, l’étiologie du contrôle respiratoire, le dysfonctionnement autonome, la position en décubitus ventral ; Et ce ne sont que quelques-unes des théories. Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions sur ces mécanismes supposés ?
[00 :05 :43] Suvasini Sharma :Les mécanismes que vous avez mentionnés, tels que les mécanismes cardiovasculaire, respiratoire et autonome, ne sont pas exclusifs l’un de l’autre
Ils peuvent donc coexister chez différentes personnes, et ils peuvent également se répercuter en cascade. Il s’agit donc en fait d’une voie finale commune à chaque décès, et ils sont tous impliqués d’une manière ou d’une autre à des degrés différents selon les patients .Je vais commencer par le mécanisme cardiaque. A la fois les crises elles-mêmes- les crises sévères- et l’épilepsie chronique peuvent affecter le cœur. Les crises sévères, nous le savons maintenant, sont associées à la tachycardie et à une tempête de catécholamine. Donc bien sûr, cela entraîne des problèmes d’artères coronaires etc, donc les crises sévères en elles-mêmes ne sont pas bonnes pour le cœur. Mais l’épilepsie chronique affecte le cœur de plusieurs manières.
Premièrement, les zones corticales et sous corticales sont reliées à la fonction cardiaque de par leur influence sur le système nerveux autonome. Et le système nerveux autonome est la voie finale efficace qui module l’activité cardiaque. Ainsi, certaines structures dans le cerveau, qui sont les structures en jeu dans l’épilepsie, ont le rôle le plus important dans le contrôle de la fonction autonome. Il s’agit de l’insula postérieure, le cortex cingulaire, le cortex préfrontal et l’ amygdale. Ce sont donc les structures qui sont le plus fréquemment en jeu dans l’épilepsie chronique
De plus avec la répétition des crises, chaque crise va provoquer des anomalies du rythme cardiaque et de la pression artérielle, une ischémie trans-myocardique, et un abaissement du seuil d’arythmie . En fin de compte, ces dommages répétés induits par les catécholamines conduisent à ce qu’on appelle la formation d’un cœur épileptique. Le terme de cœur épileptique est une terminologie utilisée pour caractériser un cœur qui a des lésions cardiaques et coronaires chroniques, entrainant une fibrose myocardique, une athérosclérose accélérée, des dysfonctionnements systolique et diastolique, et des arythmies.
Et bien sûr, je ne parle pas des problèmes dans la vie quotidienne de ces patients et aussi leur traitement anti-épileptiques. Les troubles cardiaques représentent donc une part importante de la physiopathologie des MSIE.
Concernant le système respiratoire, les personnes souffrant d’épilepsie chronique présentent une fréquence élevée d’apnées centrales et mixtes. Des apnées obstructives peuvent également se produire en raison de laryngospasmes et de crises, ce qui est difficile à caractériser. À l’instar du dysfonctionnement autonome cardiaque, le système respiratoire peut également présenter un dysfonctionnement autonome. Les réseaux de crises relient le cortex au tronc cérébral et ces réseaux provoquent un dysfonctionnement autonome. Ainsi, il a été démontré que l’activation de l’amygdale provoquait l’apnée dans des modèles animaux de crise. On observe également une réduction de la connectivité fonctionnelle entre l’amygdale et le tronc cérébral chez les patients souffrant d’épilepsie chronique.
En outre, les apnées post-ictales sont plus fréquentes dans les crises survenant pendant le sommeil. En effet, pendant le sommeil, la sensibilité des chimiorécepteurs est réduite. Ainsi, l’état post-ictal pendant le sommeil présente un déficit d’éveil certain et une immobilité post-ictale.
La position ventrale n’est pas la première cause du décès de ces patients. La position ventrale résulte d’un retournement pendant la crise, mais une fois qu’ils se sont retournés, alors bien sûr, les réflexes de récupération ne sont pas correctement préservés chez ces patients, dans cet état post crise durant le sommeil, il y a une dépression du tronc cérébral qui s’étend. Et finalement, (arrive) ce qu’on appelle la suppression EEG généralisée post-ictale. Et au final, on appelle cela un arrêt ( shutdown) neurovégétatif, arrêt de toutes les fonctions vitales telles la respiration et l’activité cardiaque.
Enfin, en plus de tout cela, il y a également un dysfonctionnement des neurotransmetteurs chez ces patients, en particulier un dysfonctionnement sérotoninergique dans les neurones du raphé du tronc cérébral. Il en va de même pour l’adénosine et les opioïdes locaux. Il pourrait y avoir aussi un dysfonctionnement des voies de ces neurotransmetteurs.
[00 :09 :45] : Emma Carter : Très clair. Merci d’avoir précisé chacun des mécanismes proposés. Je voudrais maintenant que nous passions à l’information sur la MSIE et vous interroge sur les guides pratiques de l’AAN (American Academy of Neurology) et de l’AES (American Epilepsy Society)
[00 :10 :03] Ces lignes directrices sont sorties avant les études récentes d’épidémiologie. Elles comportent 5 points : Le premier concerne les enfants, puis les adultes. Et pour les enfants elles préconisent que les médecins s’occupant d’enfants avec épilepsie devraient informer les parents et les tuteurs que chaque année la mort subite affectera un enfant parmi 4 500 enfants. Elles explicitent aussi que cela signifie que 4 499 enfants ne seront pas affectés.
Donc, donnons aussi le message positif car nous avons tous tendance à regarder l’aspect négatif en premier. Et de même pour les adultes, les médecins s’occupant d’adultes avec épilepsie devraient leur dire qu’un patient sur mille sera affecté par an. Et encore, cela signifie que 999 ne seront pas affectés.
Les études récentes ont montré que l’incidence pour les adultes comme pour les enfants sont identiques. Donc nous devrions plutôt dire 1 sur 1000 pour les enfants aussi. Ce n’est pas un sur 4 500.
Le troisième point est que si une personne continue à faire des crises généralisées tonico-cloniques (CGTC), les médecins doivent prendre en charge activement l’épilepsie et essayer toutes les thérapies possibles pour réduire les crises. Tout en tenant en compte, évidemment, des préférences du patient et en évaluant la balance bénéfice / risque de toute nouvelle approche. Mais nous devons continuer à essayer. Nous devons être très offensifs dans la gestion des crises, en particulier les CGTC. Encore une fois, ce n’est clairement indiqué, mais cela veut dire évidemment une évaluation chirurgicale et peut-être une neuromodulation, et bien sûr, l’essai de nouveaux médicaments. C’est un point sur lequel nous devons être très offensifs.
Et le 4ème point est que, pour les patients qui ont de fréquentes CGTC et des crises nocturnes, les médecins peuvent conseiller à certains patients et certaines familles ; si leur situation psychosociale et leur épilepsie le permettent, de mettre en place une supervision nocturne et autres dispositifs nocturnes, comme l’utilisation d’appareil d’écoute à distance afin de réduire le risque de MSIE, parce que la supervision nocturne est pour le moment le seul moyen dont il a été prouvé qu’il permet de diminuer le risque de mort subite. Donc nous devons leur en parler, et bien sûr, en fonction de leur situation sociale et culturelle, ils décident s’ils sont capables de le faire ou non. Mais c’est notre travail de les informer. Enfin, la bonne chose avec les patients qui ne font plus de crises, et c’est notre travail de les en informer, c’est que si vous ne faites plus de crises, en particulier plus de CGTC, alors vous avez un risque très faible de décéder de mort subite.
[00 :12 :35] Emma Carter : Des études récentes ont été publiées à propos de la difficulté qu’ont les personnels soignants avec l’anxiété croissante des patients quand ils discutent avec eux de la mort subite lors du diagnostic ou peu après.
Cependant la littérature soutient que les patients préfèreraient en entendre parler lors du diagnostic ou peu après. En milieu hospitalier, quelles sont vos recommandations sur le quand et comment aborder le sujet avec le patient ?
[00 :13 :01] Suvasini Sharma : Encore une fois, cela dépend de plusieurs paramètres, les ressources et le temps dont disposent les médecins, et s’ils ont du personnel de soutien, comme des assistantes sociales ou des infirmières.
En général, j’ai le sentiment qu’au moment du diagnostic, il y a déjà beaucoup d’information à donner sur l’épilepsie elle-même, la gestion de la maladie, les médicaments, le mode de vie. Donc parler de mort subite à cette première occasion, je pense que cela fait trop pour que la famille le reçoive. Donc en général, ce que je fais c’est, lors du diagnostic, de parler de la gestion de l’épilepsie, et nous donnons habituellement des documents ou de la lecture à regarder, qui comporte une référence rapide à la MSIE. Et lors de la 2ème ou de la 3ème visite, quand ils se sont familiarisés avec le diagnostic, ils sont plus installés, c’est le moment où je commence à aborder le sujet de la mort subite, (…)
Je n’attends pas 6 mois ni un an. Je n’attends pas de voir si le patient est pharmaco-résistant avant d’en parler. Mais pas lors du tout premier entretien, mais plutôt au 2ème ou au 3ème.
[00 :14 :05] Emma Carter : Parlez-nous, je sais qu’il y a des idées fausses et défis à propos de l’information sur la mort subite. Quelles sont les idées fausses les plus courante que vous trouvez dans votre pratique ?
[00 :14 :18] Suvasini Sharma : Et bien l’idée fausse parmi les médecins est qu’ils craignent tous d’accroître l’anxiété des parents. Ils disent, « d’un côté, nous leur disons votre enfant va bien, il peut faire toutes les activités, certaines d’entre elles sous surveillance. Nous leur disons que l’enfant peut vivre une vie aussi normale que possible. Et d’un autre côté, nous leur disons que leur enfant peut mourir ». C’est la préoccupation des médecins. C’est un des gros défis.
L’autre défi, et particulièrement dans la culture indienne, est que, dans une certaine mesure, parler des mauvaises choses, des choses désagréables est une sorte de tabou. C’est comme si parler d’une mauvaise chose la faisait arriver. C’est ce que les gens ont à l’esprit. Donc vous ne voulez pas parler de la mort mais quand on interagit avec les parents, on se rend compte que c’est dans leur esprit tout le temps de toute façon.
Donc ils y pensent et c’est bien de l’aborder ouvertement et de leur dire que le risque est bien plus faible qu’ils ne le craignent. Et en sachant, ils ont le sentiment qu’ils ont le contrôle, et peuvent faire des choses pour l’empêcher
Et nous avons constaté qu’une fois que nous avions informé les parents sur la manière de prévenir le risque et ce qui aide, nous avons constaté une meilleure observance. La prise de médicaments s’améliore, la fréquence des visites à l’hôpital s’améliore. Ils ne manquaient plus les rendez-vous. Donc au bout du compte, c’est un moyen important d’améliorer leur gestion de l’épilepsie. Cela leur donne aussi de l’assurance et un sentiment de contrôle. Donc je pense que, et la plupart des études majeures l’ont montré, ce que les médecins craignent, les parents, les familles et les patients veulent vraiment le savoir. Et nous sommes plus inquiets que ce qu’il faudrait l’être quand nous en parlons.
L’autre défi, c’est la question du temps. Particulièrement dans nos organisations. Dans une consultation de 3 ou 4 heures, je vais avoir besoin de voir 50 patients. Donc ce n’est vraiment pas possible de parler à ce niveau de détail. C’est pour cela que je leur donne de la lecture et maintenant nous avons aussi fait de petites vidéos, qu’ils peuvent regarder. Une fois qu’ils ont parcouru la documentation, ils ont une idée, et ensuite nous leur demandons ce qu’ils ont compris. Parler, les informer du risque, et cela fait gagner du temps. Plutôt que de tout leur raconter nous-même. Mais c’est important de le leur dire. Assurément.
[00 :16 :35] Emma Carter : Lorsque vous voyez des patients et que vous leur donnez des conseils sur la SUDEP, est-ce que vous documentez ou utilisez des outils pour stratifier les facteurs de risque de SUDEP de chaque patient ?
[00 :16 :45] Suvasini Sharma : Il y a des facteurs de risque bien définis qui sont connus, comme des CGTC fréquentes, des comorbidités comme une déficience intellectuelle ou un retard de développement. Et plus de 50 crises par mois au cours de l’année écoulée. Il y a donc de nombreux facteurs de risque, mais en pratique, je ne me repose pas vraiment sur l’outil. Lorsque nous voyons les patients, nous savons que nous avons des patients bien contrôlés et des patients mal contrôlés, c’est-à-dire de larges groupes. Parmi les patients mal contrôlés, il y a ceux qui souffrent souvent de CGTC et de retard de développement, une comorbidité fréquente chez les enfants atteints d’épilepsie. Donc oui, ces patients, je pense que nous renforçons l’information et les conseils, peut-être plus fréquemment. Et si nous pensons que certains éléments de prévention échappent aux parents, nous pouvons les renforcer. Comme l’observance, l’observance médicamenteuse etc
La surveillance n’est généralement pas un problème avec les enfants et, surtout en Inde où dormir ensemble (co-sleeping) est extrêmement répandu. Ces enfants dorment donc de toute façon avec leurs parents. Ce n’est donc jamais un problème.
Mais je dirais que pour les patients bien contrôlés, il s’agirait peut-être d’une unique mention rapide s’ils s’inquiètent. Mais pour les patients difficiles ou à haut risque, ces conseils devraient être plus fréquents. Nous ne nous contentons pas d’une information donnée une seule fois.
[00 :17 :58] : Emma Carter : Avez-vous une idée de combien de personnes diagnostiquées épileptiques et décédées de mort subite avaient en fait à la base un problème cardiaque ?
Suvasini Sharma : Oui, j’essaie de trouver cette réponse car, vous le savez, même des gens normaux meurent soudainement. Vous entendez parler d’untel et d’untel, et on dit qu’ils ont eu une attaque cardiaque.
On présume qu’ils ont dû avoir un infarctus et en sont décédés. Même les personnes avec épilepsie, en fait, ont un risque accru de mort subite d’origine cardiaque, comme ces décès sont appelés. L’augmentation est pour une personne épileptique de l’ordre de 2,29 fois par rapport à quelqu’un non épileptique.
Mais c’est vraisemblablement à cause d’une cardiopathie ischémique. C’est un chiffre que l’on a rencontré dans différentes études mais il n’y a pas de données sur si ces patients ont déjà eu des accidents cardiaques auparavant. C’est une comorbidité je dirais, comme dans certains groupes d’âge , et les cardiopathies ischémiques sont aussi assez courantes, et elles peuvent coexister avec l’âge, plus évidemment les effets des médicaments anti-épileptiques, qui affectent aussi le profil lipidique. L’athérosclérose est aussi plus courante, ce qui peut constituer une comorbidité.
Emma Carter : Y a-t-il des médicaments à éviter pour les patients compte tenu des effets secondaires ? Et ont-ils plus de risque de décéder de mort subite ?
[00 :19 :35] : Suvasini Sharma : Oui, et la lamotrigine et les bloqueurs de canaux sodiques sucitent des inquiétudes car dans certaines études rétrospectives, on a trouvé, en particulier chez les animaux, que la lamotrigine pourrait comporter un risque accru de mort subite. Et la FDA préconise que la lamotrigine et les bloqueurs de canal sodique soient utilisés avec précaution avec les patients qui ont déjà eu un antécédent de maladie cardiaque structurelle ou ischémique sous-jacente. Donc avec un patient qui a une maladie cardiaque pré-diagnostiquée, nous devons vraiment être très prudents avec ces médicaments et devons probablement ne pas les utiliser.
Mais une grande étude a été publié en Australie dans laquelle a été suivie l’évolution de la situation.Les chercheurs disposaient des données de l’EMU et ont suivi des patients traités par lamotrigine et des bloqueurs de canal sodium pour le risque de mort subite. Ils n’ont pas constaté d’augmentation du risque.
Il y a eu d’autres études basées sur la populations qui, à nouveau, n’ont pas montré de risque accru. Donc cela est rassurant pour les médecins. Car le risque de mort subite grâce à ces médicaments, est vraisemblablement faible.
Donc au final, une CGTC peut probablement causer une mort subite, et ces médicaments sont bons pour réduire les CGTC.. Donc nous devons voir la balance bénéfice/risque. Je pense que s’il y a une maladie cardiaque sous-jacente, dont nous avons connaissance, alors oui, nous ne les utiliserons pas, mais si le patient est à haut risque de mort subite, pour contrôler les crises GTC, ces médicaments peuvent être nécessaires, donc nous ne devons pas être inquiets des risques et les utiliser.
Emma Carter : Merveilleux. C’est un article très intéressant que vous avez mentionné d’Australie. Revenons aux questions sur ce qui doit être mis en lumière et inclus dans la prévention des sudep et l’information aux patients ?
[00 :21 :19] Suvasini Sharma : Je dirais deux choses principales : La bonne observance des médicaments anti-épileptiques. Je pense que c’est un facteur de risque important car c’est quelque chose qui est dans nos mains, à notre portée. On ne peut pas changer les comorbidités et autres. C’est une chose que l’on peut assurément renforcer. Et l’autre chose est la surveillance nocturne, si et quand c’est possible. Ce sont deux choses qui peuvent aider et qui sont faisables, qui sont à notre portée.
Il existe de nombreux dispositifs de détection des crises sur le marché, qui utilisent différentes techniques telles que l’EMG de surface active, l’EMG, l’ECG, etc.
Je ne parlerai pas de dispositifs particuliers, mais l’ILAE et l’IFCE (International Federation of Clinical Neurophysiologistes) ont fait des recommandations sur leur utilisation en 2021 , et je vais en parler.
Ils recommandent de n’utiliser que des dispositifs portables validés cliniquement pour la détection automatisée de crises GTC et de crises tonico-cloniques focales à bilatérales lorsqu’ il y a des problèmes de sécurité important, par exemple si un patient dort seul. Et si l’alarme sonne et si quelque chose peut être fait dans les 5 mn. Les deux points sont requis . La simple possession du dispositif n’est pas utile. Il faut qu’il y ait quelqu’un, qu’un plan soit mis en place pour ce qu’il faut faire si l’alarme sonne.
Cette recommandation est insuffisante et conditionnée car nous n’avons pas de données montrant que le fait de porter ces dispositifs peut effectivement empêcher la mort subite.. Nous savons par contre qu’ils détectent des crises et qu’il y a de fausses alarmes. Cela pose aussi le problème de la qualité de vie, pour l’autre personne qui dort dans la chambre à côté, si l’alarme se déclenche toutes les nuits. Et comme je l’ai dit, si la personne habite seule dans un appartement, et que temps de réponse s’élève à 15 / 20 mn, cela n’est peut-être pas utile.
[00 :23 :19] Emma Carter : En tant que membre du groupe de travail de la « Ligue Internationale contre l’Epilepsie » ILEA, (…) vous vous êtes réunis souvent ces 2 dernières années. Nous sommes curieux de savoir quelles sont les activités que le groupe promeut à l’échelle mondiale actuellement.
Suvasini Sharma : Oui. Nous travaillons principalement sur 2 documents. L’un est un document sur l’information à propos de la mort subite, et l’autre vise à encadrer la définition et la classification. En dehors de cela, nous sommes en train de mettre en place un certain nombre d’ activités éducatives sur la mort subite à l’intention des médecins, des patient et des familles. Nous avons présenté des propositions d’actions dans diverses conférences pour sensibiliser sur la mort subite.
Récemment, le Dr Rainer Surges a mené une enquête globale sur les dispositifs portables de détection des crises. Et notre groupe espère pouvoir la présenter bientôt. C’est intéressant de se rendre compte que presque aucun pays n’a de lignes directrices pour ces dispositifs. Il y a des sujets que des directives doivent prévoir, comme le remboursement, la prise en charge par les assurances, et tant de choses encore.
De telles directives sont absolument nécessaires pour pouvoir être déclinées en directives nationales au niveau de chaque pays.
Traduit avec l’aide de DeepL (version gratuite)